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La carte mémoire est-elle soluble dans l’eau salée ?
Dimanche 3 Juin, Cuzco
Ce matin, pas de bobo en vue ni de changement d’hôtel pour nous retenir et nous pouvons donc vaquer tranquillement au programme prévu pour cette dernière journée à Cuzco. Aujourd’hui, ce sera découverte de l’agriculture inca avec deux sites voisins à une trentaine de kilomètres de la ville, l’un consacré aux cultures en terrasse et l’autre à la récolte du sel. Nous partons confiants puisque cette fois nous savons où se trouve la gare des collectivos, c’est la même que celle que nous avons utilisée il y a quelques jours pour aller à Chinchero. Pas de chance, en ce dimanche, une grille barre l’entrée et nous impose une fois de plus un changement de plan. Heureusement au Pérou, un véhicule disposé à vous emmener n’est jamais bien loin et c’est donc dans un bus bondé de péruviens et de touristes en vadrouille que nous nous mettons finalement en route. Nous descendons au carrefour d’où part la petite route menant aux sites qui nous intéressent et où des taxis attendent déjà les passagers en manque de transport. Ah que la vie est simple ici pour les voyageurs ! Notre chauffeur nous dépose devant le site de Moray, qui abrite les célèbres salines, et propose de nous attendre pour le retour au village après notre visite, chic cela nous évitera de devoir chercher un autre véhicule. Le paysage alentour est superbe, sommets enneigés et campagne préservée, où de maigres troupeaux sont gardés par les enfants, bergers improvisés. Mais nous découvrons le clou du spectacle en montant au bord de l’amphithéâtre où sont construites les terrasses. Devant nous, s’étend un immense cercle entouré de terrasses concentriques sur différents niveaux. La figure ainsi dessinée est si étrange et parfaite que l’on ne peut qu’admirer l’ingéniosité et le travail fourni par les incas. Les historiens supposent que ces terrasses étaient utilisées pour des recherches en agronomie, permettant de tester différentes cultures dans différentes conditions climatiques, avec plus ou moins de soleil, d’humidité ou de chaleur selon que l’on plante au fond ou au sommet de l’amphithéâtre... Incroyable que de telles études aient été menées à cette époque reculée !
Nous profitons à loisir du site en suivant le sentier qui en fait le tour avant de descendre quasi au fond de la cuvette principale d’où le point de vue sur les alentours est assez étrange. Nous admirons au passage les petits escaliers de pierre qui permettent de grimper d’une terrasse à l’autre et qui ont tenu le coup jusqu’à aujourd’hui. Notre chauffeur nous attend en papotant avec un confrère et nous demande où nous voulons aller maintenant. Comme nous lui expliquons que nous souhaitons encore visiter les salines avant de repartir pour Cuzco, il se propose de nous y emmener. Le prix est toujours aussi raisonnable et nous sautons sur l’occasion de visiter tranquillement avec pour une fois un chauffeur privé. Nous négocions une petite halte au village le temps de manger un peu avant de continuer notre tour. Pas de problème, notre chauffeur d’abord surpris que des occidentaux se risquent à goûter la cuisine locale, nous emmène finalement dans la petite gargote locale au menu quasi unique, truite, riz frit ou steack. Il en profite pour se restaurer lui aussi et nous sommes une fois de plus le point de mire des quelques péruviens attablés là qui surveillent nos moindres faits et gestes. Nous repartons ensuite vers les salines d’où nous pourrons rejoindre à pied la grande route et, si tout va bien, y arrêter un bus pour Cuzco. Notre chauffeur nous pose au sommet du site et c’est l’éblouissement qui nous guette. Au sens propre d’abord, puisque les centaines de bassins creusés pour récolter le sel sont d’une aveuglante blancheur sous le fort soleil, et au sens figuré aussi, le spectacle de ces cascades de bassins épousant la vallée étant de toute beauté.
Nous flânons en attendant que les touristes débarqués devant nous aient regagné leur bus et profitons ensuite du site que nous avons pour nous tous seuls. Voici encore une preuve de l’ingéniosité des incas : une source d’eau salée naturelle descendant de la montagne, ceux-ci l’ont canalisée pour récolter son eau et la laisser décanter dans des petits bassins creusés à flanc de colline. Des pierres servent à boucher ou ouvrir les canaux reliant les bassins permettant de laisser s’écouler l’eau ou de la bloquer si nécessaire. Le système est tellement performant que ces bassins sont encore utilisés de nos jours, on n’a pas trouvé mieux pour récolter le sel venu de la montagne. Nous suivons le sentier qui longe les bassins, marchant en équilibre sur leur rebord pour passer de l’un à l’autre. Bien sûr les photos vont bon train dans ce paysage si original et bien sûr ma carte mémoire ne tarde pas à être pleine. Thibaut est resté un peu en arrière et, pourtant consciente que ce n’est pas forcément une bonne idée d’ouvrir l’appareil photo alors que je suis perchée en équilibre instable sur un muret, je cède à l’urgence de la situation et décide de changer quand même la carte. Ce qui devait arriver arriva... sous la forme d’un plouf de ma carte mémoire dans la saline la plus proche ! Thibaut alerté par mon cri croit d’abord à une blague avant de se précipiter pour récupérer la fautive dans l’eau heureusement peu profonde. J’avais heureusement gravé un CD il y a peu de temps mais me désole quand même de la perte quasi assurée des photos des derniers jours et de ma précieuse carte. Tant pis, il n’y a rien d’autre à faire que de tenter un rinçage à l’eau claire et d’attendre que la carte ait séché pour voir si elle est encore utilisable, j’ai assez peu d’espoir. Nous n’allons pas nous laisser gâcher la balade pour si peu et reprenons notre marche, descendant la vallée jusqu’à son extrémité où elle rejoint la plaine. Il ne reste qu’à traverser la rivière pour rejoindre la grande route et y attendre un bus. Nous en voyons arriver un au loin et courons pour embarquer à son bord, hop, nous voici repartis pour Cuzco ! Nous sommes cernés par une famille avec de nombreux enfants dont le calme n’est pas le point fort et les deux heures de trajet ainsi entassés nous paraissent bien longues. Nous nous consolons en profitant de notre dernière soirée ici pour nous offrir un bon restaurant où nous dégustons les délicieuses spécialités de la région.
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